Ni sushi, ni maki aujourd'hui. Je vous propose une parenthèse, un petit voyage d'exploration pour enrichir votre nez et votre palais de nouvelles sensations. Curieux de nature, j'ai cherché à goûter ce qui s'éloignait le plus de ma tradition culinaire et un matin, lors d'un petit déjeuner dans une auberge de jeunesse, à côté d'un minuscule carré de saumon grillé, d'un bol de riz blanc et d'un oeuf de caille cru, je découvris une petite barquette de ce que pris d'abord pour des haricots. Réflexe tout animal, je passai la truffe à la verticale de l'objet singulier. Odeur un peu âpre, léger parfum d'ammoniaque, brise de sous-bois, plateau de fromage tardif par un après-midi d'été... Je convoquai à la seconde toutes mes références olfactives. Nul doute que ce repas allait me rester, je venais de découvrir le nattô.
Avec ces aliments fermentés, on touche à l'essence des civilisations, un âge d'or mis à mal par le nouvel ordre hygiéniste mondial drapé du principe de précaution. Entrer dans le monde des fromages au lait cru, des légumes fermentés, c'est renouer avec l'invisible au service du goût, c'est cultiver cette flore et redonner du temps à l'affinage. Proust avait sa madeleine ; j'aurai longtemps je l'espère mon livarot et mon nattô.
Restent les a priori tenaces, culturels autrefois, a-culturels plus récemment tant l'entreprise d'uniformisation fait son chemin. Food and Drugs Administration, quand tu nous tiens... Tout comme nos fromages, le nattô ne fait pas l'unanimité chez les japonais. Rejeté ou objet d'addiction, il ne laisse pas indifférent. A l'heure où un ministre démissionnaire de la République se trouve jeté sous le feu médiatique en raison de supposées pratiques fétichistes, je vous invite à embarquer votre imagination sur cette illustration publiée par de jeunes artistes californiens et intitulée "Your toes taste like natto" (Tes orteils ont le goût du nattô)
Illustration qui pousse loin le détail avec l'allusion à la texture mucilagineuse des graines de soja filant en pluie sous le petit nuage à droite.
Je passai rapidement dans le camp des accros au nattô et une fois loin du Japon je ne parvins pas à m'en passer. Il fallait donc apprendre à le fabriquer. J'eus la chance de trouver rapidement plusieurs recettes fiables dont une en français à consulter ici link. La méthode préconisée dans cette recette est très fiable. Je n'ai rien à y ajouter. Si vous suivez scrupuleusement les différentes phases techniques (en respectant bien les règles d'hygiène justement), réussir votre nattô sera un jeu d'enfant. Sinon, écrivez-moi et nous tâcherons ensemble de comprendre ce qui ne va pas dans votre fabrication.
Une fois obtenu, je le laisse reposer un minimum de sept jours au frigo avant de le déguster. Le champs d'utilisation du nattô est très large mais voici celle que je préfère. Il vous faudra :
- 100 gr de nattô maison
- un oeuf frais
- un trait de moutarde forte ou de moutarde japonaise "karashi"
- un cuiller à café de sauce de soja
- une cuiller à café de fumet de poisson
- une cuiller à soupe de ciboulette ou mieux de cive japonaise "kujônegi"
Cassez l'oeuf sur le nattô dans un bol et incorporez tous les ingrédients sauf la ciboulette. Battez énergiquement avec une paire de baguettes votre mélange pendant deux minutes. Très vite, vous allez voir se former des fils et de la mousse. Versez une cuiller à café sur chaque boulette de riz blanc disposée au fond de la verrine. Terminez par une pincée de ciboulette ou de cive. Une variante consiste à déposer ce mélange sur un gunkan maki Gunkan maki, un petit char d'assaut . Bon appétit !
Ô ferments qui ponctuez le rythme de la nature
Brisez les préjugés des horizons obscurs